Annonce d'un cancer de la prostate, témoignages

05/01/2024
 

Annonce d’un cancer, ce que l’on éprouve… Les 6 étapes classiques

L’annonce d’un cancer est un choc. « C’est comme si j’avais pris une enclume sur la tête » m’a dit un de mes patients à l’annonce d’un cancer de la vessie. Ou encore « j’ai reçu une douche froide et je senti physiquement une onde glacée me parcourir » me disait une femme en parlant du moment où elle avait appris l’existence de cellules cancéreuses dans son sein. La terre s’écroule, on se prend un mur, on prend une claque… Chacun l’exprime à sa manière. Instantanément, on sent que le monde ne sera plus comme avant. Des tas de pensées traversent la tête, et en même temps, tout est figé, bloqué, c’est comme si le monde s’arrêtait de tourner.

1 – L’étape de sidération, au moment de l’annonce en consultation

Le moment où on vous l’annonce est très particulier. Presque toutes les personnes qui l’ont vécu affirment ne rien avoir entendu d’autre après cette annonce, ou ne rien avoir compris, et toujours ne rien avoir retenu. C’est ce que l’on appelle l’étape de sidération. C’est parfaitement normal de ressentir cela.

Adrien qui a eu un cancer de la prostate témoigne

Il raconte dans cette vidéo comment il a reçu cette annonce. Voici ce qu’il dit : « On s’en doute avant. Et… on ne s’y attend pas en fait… C’est un truc qui vous tombe dessus» Si vous voulez regarder uniquement ce passage, c’est à 01 : 23 mn.

Être accompagné, c’est mieux

C’est parce que l’annonce d’un cancer, c’est un choc, qu’être accompagné pendant les consultations est vraiment utile. Car l’autre personne peut entendre des informations importantes qu’elle pourra partager par la suite. Il peut s’agir du ou de la partenaire, ou encore d’un ou une amie. Ainsi Jérémy me disait « heureusement que mon épouse était avec moi, elle m’a transmis par la suite des choses qu’avait dit le médecin. Mais même elle était en état de choc et n’a certainement pas tout entendu. »

Vous pouvez regarder dans cette vidéo une interview de Rodolphe qui témoigne de son ressenti lors de l’annonce de la maladie de sa compagne (un cancer du cavum). Le conjoint aussi est touché.

Quelles suites psychologiques et morales ?

On sait qu’avec l’annonce d’un cancer, après cette étape de sidération, on peut passer par différentes étapes. Ces étapes sont connues en psychologie…

2 – L’étape du déni après l’annonce d’un cancer

C’est la phase initiale et la réaction au choc au moment d’apprendre la perte… Le déni le plus fort, c’est quand on se dit : ce n’est pas possible, ils ont dû se tromper.

Ce déni, c’est une protection contre le choc, il donne le temps de l’encaisser. Une partie de vous a compris, mais une autre partie de vous reste à distance.

Le déni peut être plus léger, comme un évitement. Pour se protéger, on se pose parfois des questions en évitant celles concernant directement la maladie : « comment je vais faire à mon travail ? », « comment ma famille va réagir ? », « comment je vais m’en sortir financièrement ? », des questions que l’on peut comprendre, mais qui servent à dévier l’anxiété vers des problèmes moins importants que celui de la maladie.

C’est important pour l’entourage de respecter ce temps. De ne pas dire : « mais comment peux-tu penser à ton employeur quand ta vie est en jeu ? » Justement, on n’a pas envie d’y penser, alors on utilise des pensées en bouclier. Vous pouvez par exemple écouter le témoignage de Pascal lorsque son médecin lui annonce qu’avec son cancer de la prostate il a des métastases. Dans cette vidéo, c’est à partir de 00 mn : 51 secondes. C’est un beau déni.

3 – L’étape de la colère ou de la révolte

Vient ensuite la colère… Cela peut paraître négatif d’être en colère, mais à ce moment, non ! C’est une énergie de survie. On peut être en colère contre le médecin qui vous l’a annoncé, contre soi-même en se disant : « si j’avais fait ceci ou cela, ça ne se serait pas produit ». On peut être en colère contre l’entourage qui n’a pas l’air de réaliser ou qui ne sait pas vous soutenir. Contre le monde entier qui continue à tourner comme si de rien n’était… C’est normal de sentir cette colère.

4 – L’étape de négociation ou de marchandage

On commence à accepter et à chercher des solutions. C’est donc une avancée, car on est actif dans le bon sens. Comme on ne peut pas contrôler ce qui nous arrive, on cherche à mettre en place un contrôle d’une manière pas forcément réaliste. On peut parler à une personne décédée et lui demander de nous aider, à Dieu ou à un esprit supérieur ; on peut avoir ce que l’on appelle des pensées magiques : si je fais ceci, il se passera cela, si untel gagne tel concours, alors, je vais guérir…
Le sentiment d’impuissance, de manque de contrôle pousse notre cerveau à chercher des solutions. C’est encore normal et même positif, passer par cette étape montre que l’on avance. Et qui sait, la prière, un être suprême ou les défunts qui nous ont aimé peuvent peut-être nous aider ? Il est difficile de le démontrer, mais cela ne signifie pas que cela n’existe pas.

5 – L’étape de la tristesse ou de la dépression

Après l’annonce d’un cancer, on peut se sentir triste, désespéré ou déprimé. Et c’est une étape difficile parce que déprimer, c’est douloureux et qu’en plus, on peut avoir l’impression de s’enfoncer. On a l’impression que l’on arrivait à gérer plus ou moins jusqu’ici, et que tout à coup, ou petit à petit, on est en train de s’écrouler. Pourtant, c’est un passage, un pas vers la réalité qui va permettre d’agir de manière efficace quand on l’aura traversé. Car le déni et la colère sont passés. Cette période peut durer quelques semaines, quelques mois. Parfois, c’est une tristesse qui passe, parfois cela peut devenir une vraie dépression à surmonter et dans ce cas, il faut vraiment se faire aider en psychothérapie. Cela permet de sortir de cette étape plus facilement ou moins difficilement.

6 – L’étape de l’acceptation

Après l’annonce d’un cancer, l’acceptation fait suite aux autres étapes, et elle permet d’accepter la maladie, non comme une amie bien sûr, mais comme un fait avec lequel on peut composer. A partir de ce moment, on peut agir de manière calme, sensée, demander de l’aide, chercher des solutions, s’occuper de soi, s’écouter vraiment, faire ce qui est le mieux pour soi. On peut aussi plus facilement se trouver en relation avec les autres.

Attention, ces étapes classiques se déroulent souvent plus ou moins l’une après l’autre, mais il existe des aller-retours. Car une maladie n’est pas un long fleuve tranquille. On peut être dans l’acceptation, et tout à coup à nouveau renouer avec la colère, la tristesse ou le déni. C’est humain, nous ne sommes pas des robots, et au fil d’un traitement pour un cancer, il peut se passer beaucoup de choses qui nous font bouger émotionnellement et en parallèle, il peut également se passer beaucoup de choses dans la vie… Il peut ainsi exister un deuxième choc alors que l’on était à l’acceptation, si l’on doit avoir un deuxième traitement, ou bien en cas de récidive… On peut repasser par la colère, la dépression, le combat, etc.

Et puis, il peut également exister d’autres étapes moins classiques.

Une étape de culpabilité

A cette étape, on a le sentiment que l’on est en tort, que l’on a fait quelque chose de mal. « Si j’ai un cancer, c’est sans doute de ma faute ». Et l’on se dit : si je suis malade, il y a bien une raison, j’ai dû faire quelque chose de mal. On peut penser à une erreur d’hygiène de vie : « j’aurais dû arrêter de fumer », j’aurais dû faire de l’exercice physique », « j’aurais dû garder un poids correct », « j’aurais dû manger plus sainement », etc. Cela peut être aussi tout autre chose : « j’aurais dû mieux m’occuper de mes parents âgés », « j’aurais dû arrêter de travailler plus tôt », « je n’aurais pas dû me laisser abattre par ma rupture ou mon licenciement… » Ou même « j’aurais dû prier davantage », « c’est bien fait pour moi, je n’aurais pas dû être aussi dur avec mon fils… »
Notre cerveau humain a besoin de trouver des liens de cause à effet, donc des explications à une situation. Alors, il cherche et cela peut nous faire culpabiliser, même si notre manière de voir les choses peut être complètement erronée. 
Attention, cela peut être utile si cela nous encourage à améliorer notre hygiène de vie. Un de mes patients m’a dit : « depuis que j’ai ce cancer, j’ai rajeuni de 10 ans : je mange mieux, je fais du sport, j’ai perdu 15 kg et je me sens bien plus en forme ! »

Une étape de combat

On considère que la maladie est un ennemi et qu’il faut trouver les armes pour combattre. Alors, on s’active, à chercher des solutions sur Internet, à s’informer, on consulte, on demande un deuxième avis, parfois un troisième avis, on lit beaucoup sur le sujet. On choisit des compléments alimentaires, des techniques non éprouvées médicament en complément. En résumé, l’étape du combat est une étape d’action. Or, l’action, c’est l’énergie et c’est un antidote à l’anxiété, donc elle est très utile, surtout que les actions que l’on met en œuvre peuvent avoir du bon. Mais l’agitation exagéré peut être contre-productive. Il faut aussi savoir prendre le temps de vivre ce qui vous est donné de vivre et investir son énergie à bon escient.

Au total, j’espère que connaître ces étapes vous permettra de ne pas vous sentir coupable, vous sentir nul, mais vous faire comprendre que c’est normal d’avoir des émotions qui ne sont pas forcément logiques. Et que chaque émotion passe pour laisser la place à autre chose qui a tendance à devenir plus constructif. Et si vous êtes dans une de ces phases, je vous envoie tout mon soutien !

Et la santé sexuelle dans tout ça ?

Et bien, on peut culpabiliser : – Si j’ai un cancer lié aux organes sexuels (prostate, seins, testicules, utérus), c’est de ma faute parce que… – On peut ne plus penser à la sexualité, ne plus avoir de désir, surtout en phase de tristesse ou de déprime, se dire “à quoi ça sert ?” – On peut penser qu’on ne mérite plus d’être aimé ou désiré – On peut être en colère contre son ou sa partenaire. – On peut connaître une période d’hypersexualité (il faut en profiter. C’est par exemple le cas de Michel qui a su qu’il allait être opéré d’un cancer de la prostate. Il s’est dit : ça ne fonctionnera plus pareil après l’opération, donc je dois en profiter…”

Si vous êtes passé par une de ces phases (ou une autre, chacun étant différent), vous pouvez laisser un message de témoignage. Il servira certainement à d’autres.
 

 

Article rédigé par le Dr Nathalie Szapiro
© Doctical 2023

Photo de Andrea Piacquadio

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